2007-2011 : le Grand Paris

26 juin 2007, Nicolas Sarkozy est élu président de la République depuis quelques semaines. Lors d'un discours à Roissy-CDG pour l'inauguration du satellite S3, il annonce ses ambitions pour la région parisienne (les extraits du discours sont en bas de cette page)

  • 2 grands enjeux
  • redonner la cohésion à l'agglomération
  • relancer la croissance
  • et ce via 4 leviers
    • les infrastructures, avec notamment Métrophérique (projet RATP de liaison autour de Paris) et CDG Express
    • l'urbanisme, avec la densification des centres villes ("Je me suis toujours demandé pourquoi en centre-ville, il y avait encore des maisons particulières et dans les villes nouvelles, il y avait des tours"...)
    • l'attractivité, avec en particulier la réforme des universités mais aussi le sujet de Saclay
    • l'organisation des pouvoirs avec l'idée d'une structure unique chapeautant Paris et son agglomération 

Christian Blanc sera secrétaire d'Etat au développement de la région capitale de mars 2008 à juillet 2010, après le vote de la loi sur le Grand Paris. Le projet qu'il portera au cours de ses 2 ans de secrétariat d'Etat inclut :

  • la mise en place de clusters, correspondant à des pôles spécialisés dans différents secteurs: Roissy-CDG pour les échanges internationaux, Le Bourget pour l'aviation d'affaires, La Seine-St-Denis pour l'insertion dans le tissu métropolitain, La Cité Descartes (Noisy-le-Grand / Champs-sur-Marne) pour le développement durable, le sud de Paris pour les biotechnologies, Saclay pour la recherche, La Défense pour la finance, La Plaine-St-Denis pour la création numérique
  • la construction d'un réseau de métro de 155 km avec 40 gares reliant les aéroports, le centre de Paris et ces clusters. 3 lignes de métro, rouge (avec les 3/4 sud du tour de Paris), bleue (extension de la ligne 14 jusqu'à Orly au sud, Roissy-CDG au nord), verte (ligne nouvelle entre les 2 aéroports mais passant par l'ouest, Massy, Saclay, St-Quentin, Nanterre, La Défense, St-Denis-Pleyel, puis en tronc commun avec la ligne bleue, Le Bourget et Roissy-CDG)

Voici comment cela se schématisait dans une vidéo de 2010, celle présentant le Réseau de Transport du Grand Paris lors du débat public de 2010-2011

https://www.dailymotion.com/video/xlrmsn ou https://www.dailymotion.com/video/xf3116

D'autres réflexions ont lieu en parallèle sur une fusion de Paris et des 3 départements de petite couronne. Il y aura sur le sujet des allers et des retours au gré des changements de majorité. Tout cela aboutira finalement à la création d'une entité nommée "Métropole du Grand Paris" en janvier 2016, et à la quasi-disparition des anciennes communautés d'agglomération qui existaient, comme Grand Paris Seine Ouest, Plaine Commune au nord de Paris ou Est Ensemble, rabaissées au niveau d'établissements publics territoriaux (EPT) aux responsabilités plus limitées, en particulier en termes de budgets.

Nous voici désormais avec 2 projets de métro automatique autour de Paris :

  • le Réseau de Transport du Grand Paris, soutenu par l'Etat et son bras armé la Société du Grand Paris créée pour le construire
  • Arc Express, soutenu par la Région et le STIF de l'époque, tel qu'il figure dans le projet de Schéma Directeur de 2008, non pas sous forme d'une ligne circulaire, mais pour le moment de 2 arcs au nord et au sud de Paris

Il y a clairement un projet de trop, et il va falloir que des choix s'opèrent. Il est finalement décidé d'organiser 2 débats publics en parallèle (et pas un débat unique...) sur chacun des 2 projets. Ils auront lieu entre septembre 2010 et janvier 2011, avec 2 autres débats publics en parallèle, un sur la ligne nouvelle Paris-Normandie, un autre sur la ligne à grande vitesse Paris-Orléans-Clermont-Lyon (POCL), le doublement de la ligne Paris-Lyon actuelle, ce qui donnera lieu à une organisation très complexe avec des réunions spécifiques à un des 2 projets, d'autres communes aux 2 projets, et 2 communes à 3 projets, une à La Défense avec Paris-Normandie, l'autre à Orly avec la ligne POCL.

Voici les présentations des 2 projets, en 8 pages chacune
(cliquez sur l'image pour ouvrir le document correspondant)

ainsi que les cartes des 2 projets

Ici le plan Arc Express dans sa version complète avec 4 arcs, présentée durant le débat public. Les 2 derniers axes ont été étudiés de façon détaillée très rapidement pour afficher une ligne à terme complète. Mais le débat public ne prenait en compte que la version partielle avec 2 arcs.

 

Les 2 projets sont annoncés avec les premières mises en service avant la fin de la décennie (mais le RTGP prendra déjà 2 ans de retard sur la seule durée du débat public, 2018 en octobre 2010, 2020 en janvier 2011)

Notez ici que si toutes les stations du RTGP ont un nom, seules les principales stations Arc Express (correspondances) sont nommées sur le plan. Certains élus découvriront ainsi l'existence de stations sur leur commune au bout de 4 mois de débat... 

Et tout cela pour pas grand chose, puisque, la veille de la dernière réunion publique des 2 débats, l'Etat et la région annoncent un accord sur un projet Grand Paris Express qui reprend à peu près la majorité des 2 projets... mais aussi la reprise du plan de mobilisation régional qui vise à remettre à niveau le réseau existant, dont les 4 lignes de RER A, B, C et D.

Plusieurs lignes apparaissent donc: 

  • un contournement de Paris par le sud entre La Défense et Le Bourget
  • le prolongement de l'actuelle ligne 14 jusqu'à St-Denis-Pleyel mais surtout jusqu'à Orly
  • une ligne nord-sud dite "arc est proche" à travers la Seine-St-Denis
  • la liaison Orly - Roissy-CDG par l'ouest (Saclay, St-Quentin, Versailles, La Défense, St-Denis)

Quelques éléments ont disparu pour raisons techniques comme la ligne 14 jusqu'à Roissy-CDG. Il paraissait irréaliste de faire rouler un métro sur pneus à 120 km/h : la liaison Paris - Roissy-CDG ne pouvait donc pas être directe.

Il y a eu ensuite un peu de travail de remise en forme de cette copie pour déboucher sur ce plan de mai 2011, avec désormais 4 lignes, 1 ligne orange étant apparue, issue en grande partie d'Arc Express. Pour cette raison, la maîtrise d'ouvrage n'est pas SGP mais STIF (d'où en légende "réseau complémentaire" qui chapeaute aussi la partie Plan de mobilisation).

Un nouveau cadrage aura lieu en mars 2013 sous le règne de Jean-Marc Ayrault

la ligne bleue devient ligne 14, la ligne verte devient ligne 18

la ligne orange devient pour partie ligne 15, pour partie prolongement de la ligne 11 aujourd'hui en chantier

la ligne rouge devient ligne 15, sauf au nord-est où elle devient lignes 16 (arc grand Est) et 17 (desserte Roissy-CDG)

Comme l'annonce est complète, il y a aussi ce qui sera en service horizon 2020...

On voit qu'il manque pas mal de choses par rapport aux prévisions, tramways T12 au sud (entre Massy et Evry-Courcouronnes, décembre 2023) et T13 à l'ouest (entre St-Cyr et St-Germain, juillet 2022), M4 à Bagneux (janvier 2022), M11 à Rosny-Bois Perrier (mars 2024) et M12 à Aubervilliers (juin 2022), M15 sud (fin 2025), RER E à Mantes (fin 2026 ?) et barreau de Gonesse entre RER B et D (projet probablement enterré)

En novembre 2018, les échéances étaient les suivantes

Si les liaisons Versailles - La Défense et La Défense - Colombes - St-Denis sont toujours indiquées à horizon > 2030, la ligne 11 jusqu'à Noisy-Champs a disparu du plan. La SGP répondra que ce n'est pas une ligne du Grand Paris Express...

Voici enfin les informations disponibles sur le site en mars 2023 : ligne M14 nord et sud mi-2024, ligne M15 sud fin 2025, ...

Le discours de Nicolas Sarkozy à Roissy-CDG (26 juin 2007)

Extrait du discours de Nicolas Sarkozy 26 juin 2007 (inauguration S3 Roissy-CDG)

[...]

Pour terminer, -c'est une matinée, avec ce que je dis, généreuse en amis nouveaux. Vous savez, je suis très serein, je veux le meilleur pour notre pays. Je ne veux pas le moins bien. Alors je regarde ce qui ce passe ailleurs. Il n'y a aucune raison que les Belges créent des emplois, que les Espagnols créent des emplois et que nous on en perde. Je n'ai pas été élu pour cela.- Je voudrais revenir à la région où nous sommes aujourd’hui. S’il y a bien –toute ma vie, j'ai été élu de cette région- un endroit où l’on peut démontrer ce que signifie l’aménagement durable, c’est bien l’Ile-de-France. Mais l'Ile-de-France elle a connu à l’époque du Général de GAULLE une ambition extraordinaire : cet aéroport en est le témoignage et son nom un hommage mérité. En l’espace de très peu d’années le Général de GAULLE, sous l’impulsion de Paul DELOUVRIER, excusez du peu, a lancé les villes nouvelles, le redécoupage départemental, la création du schéma directeur, le réseau express régional – le RER, pour ceux qui auraient oublié son nom - Voilà ce qu'ils ont fait nos prédécesseurs. Voilà ce qu'ils ont bougé nos prédécesseurs ! Alors là, on me dit : "mon Dieu, vous prenez beaucoup d'initiatives". Mais moi, je trouve que je n'en prends pas assez. Quand vous voyez ce que nos prédécesseurs ont fait, on n'est pas simplement là pour gérer à la petite semaine. On n'est pas simplement là pour faire des équilibres du mois. On est là pour penser à notre pays, à vingt ans, à trente ans, à quarante ans.

Nous vivons encore aujourd’hui en 2007 sous l'impulsion du Général de GAULLE et de Paul DELOUVRIER qui ont structuré de manière très profonde cette région. Mais la meilleure manière d’être fidèle à cet héritage doit être de penser à notre tour à ce que doit être l’aménagement de l’Ile-de-France pour répondre à d’autres défis. C’est une mission qui revient bien sûr au conseil régional, qui n’a plus la même place en 2007 qu’en 1965. Mais l’État peut-il se priver d’avoir un projet, une stratégie pour la région économiquement la plus puissante d’Europe, qui produit 28% de la richesse nationale de notre pays ? Je ne le pense pas.

Je vois en somme deux grands enjeux pour l’Ile-de-France en 2007 : la cohésion et la croissance.

Retrouver la cohésion, c’est simplement reconstruire une ville équilibrée à partir d’une agglomération en voie d’éclatement. L’éclatement ce sont ces familles qui vont habiter à une heure et demie de voiture parce que le logement est trop cher. L’éclatement ce sont ces quartiers qui ne sont reliés au monde que par un bus qui passe tous les quarts d’heure quand il ne se fait pas caillasser. L’éclatement ce sont ces artères démesurées qui libèrent les voitures mais enferment les riverains.

Aux origines de cette agglomération, lorsque Paris s’est constitué, les choses se sont faites différemment. Le mur de CHARLES V est devenu les grands Boulevards, le mur des Fermiers généraux est devenu le boulevard Saint-Jacques et l’avenue Kléber, les fortifications de Thiers les boulevards des maréchaux. On ne créait pas seulement des rocades, mais des places, des carrefours. Mais un fois le Périphérique construit, et franchi, cette ambition, perdue, dans un autre monde.

Je crois qu’il faut la retrouver. Retrouver l’esprit du préfet HAUSSMANN dans le Paris de 1860 et de Pierre-Charles L’ENFANT dans le Washington de 1800. Plutôt que de vouloir comme ALPHONSE ALLAIS construire les villes à la campagne, pourquoi ne pas construire une vraie ville dans nos banlieues ? Elles ne manquent pas de l’espace nécessaire, mais de volonté politique et d’une vision coordonnée de l’organisation urbaine, appuyée sur les pouvoirs nécessaires pour la mettre en œuvre. Pour ne pas toujours construire des logements sociaux là où il y a déjà des logements sociaux. Pour ne pas faire passer systématiquement l’intérêt de chaque commune avant celui d’une métropole, -excusez du peu-, peuplée de 11 millions d’habitants.

Pour développer une vision globale d’aménagement pour la Seine-Saint-Denis, si proche d’ici, mais si isolée du reste de la communauté nationale par ses difficultés exceptionnelles.

Il faut aussi une ambition de croissance. Quand j'étais ministre de l’Aménagement du Territoire, je n’ai jamais voulu mélanger l’ambition essentielle de créer des métropoles fortes en province, et l’ambition inavouable de provincialiser l’Île-de-France. Il n’y aura pas de France forte et ambitieuse si l’Île-de-France se recroqueville sur elle-même. Si elle renonce à construire les plus hautes tours d’Europe. Si elle renonce à attirer les meilleurs chercheurs du monde. Si elle renonce à son ambition d’être une place financière de premier plan. C'est quand même curieux que la grande place financière d'Europe soit Londres où ils n'ont pas d'euros ! C'est curieux ! On a fait l'Europe pour être au cœur de la vie financière et monétaire et non pas pour en être exclus. Les grandes villes de province ont pris un élan démographique, économique, culturel extraordinaire ces dernières années. Je ne vois pas de honte à ce que la métropole parisienne les imite. Mais j’en verrais une à ce qu’elle se laisse distancer par Shanghai, par Londres ou par Dubaï.

Pour finir et pour avancer, j’identifie quatre leviers de changement.

D’abord les infrastructures. Construisons enfin des transports en commun circulaires, comme le projet Métrophérique qui reliera tous les terminaux des lignes de métro. Construisons Charles-de-Gaulle Express. Engageons d’autres projets ambitieux et efficaces. Un pays qui n'a plus de projets est un pays qui n'a pas d'ambition. C'est donc un pays qui n'a pas d'avenir. On va retrouver des grands projets et on va mobiliser les synergies nationales au service de ces grands projets. Cela me semble plus ambitieux et plus important que de raisonner sur la carte orange gratuite pour nos compatriotes qui sont au RMI. Il vaut mieux investir pour qu'ils aient un emploi, qu'ils quittent le RMI plutôt que de les enserrer dans une politique d'assistance. Parce que, lorsque l'on est au RMI, même lorsque l'on a le transport gratuit, on n'est pas très heureux.

Deuxième levier de changement, c'est l’urbanisme. J’en ai parlé. La densité de logement des maisons de ville est la même que celle des barres. Pourquoi se contenter de faire un échangeur alors qu’on pourrait faire une place ? La question de la mobilisation du foncier, des choix en matière de logement est centrale. Je me suis toujours demandé pourquoi en centre-ville, il y avait encore des maisons particulières et dans les villes nouvelles, il y avait des tours. C'est plutôt l'inverse. L'habitat collectif en centre-ville. L'habitat individuel, en périphérie de nos villes. Il faut que l'on repense la ville.

L’attractivité dans tous les domaines. La recherche et l’enseignement supérieur. En fait de grands scientifiques et de laboratoires de pointe, nous avons atteint depuis longtemps la masse critique, mais la réaction en chaîne n’a pas commencé. Le monde connaît plus la Sorbonne de Gerson et Saint Thomas d’Aquin que le plateau de Saclay et sa profusion d’institutions brillantes mais totalement cloisonnées. C'est extraordinaire, Saclay. Il n'y a pas de campus. Il n'y a pas de transports en commun. Il n'y a pas un endroit où tout ce monde là peut se retrouver. Pourquoi, d'ailleurs, les seuls campus attractifs, on les voit à l'étranger ? Pourquoi, nous, on doit avoir des universités où les bibliothèques sont fermées le dimanche ? C'est curieux ! Où il n'y a pas d'espace sportif, où il n'y a pas d'espace culturel. Pourquoi, quand les familles qui ont quelques moyens veulent envoyer leurs enfants dans une université, les envoient-elles à l'étranger ? Pourquoi renoncer à doter la France des meilleures universités au monde ? Moi, je veux en France les meilleures universités du monde. Je veux que chaque université puisse avoir un campus. Je veux que chaque université soit une zone franche pour que les étudiants de cette université qui veulent monter leur entreprise puissent la monter sur le campus de l'université comme dans les grandes universités du monde. En fait, à quoi cela sert d'être la cinquième puissance au monde, si on n'est pas capable de réformer notre enseignement supérieur et notre système de recherche ?

Il faut enfin l’organisation des pouvoirs. Enfin, Paris est la seule agglomération de France à ne pas avoir de communauté urbaine. Alors qu’elle est la plus grande et la plus stratégique des régions, l’intercommunalité y crée des périmètres sans substance réelle. Quant aux départements, qui peut comparer le rôle d’un département de petite couronne et celui d’un département rural, mais ils ont les mêmes pouvoirs, la même fiscalité, la même structure ?

Tout ceci forme un champ de réflexion immense, mais indispensable. Je ne souhaite pas qu’on adopte un nouveau schéma directeur de la région Île-de-France avant d’être allé au bout de ces questions et d’avoir défini une stratégie efficace. Une stratégie, ce n'est pas un gros mot. Je propose donc que l’ensemble des administrations concernées soient mobilisées dès l’automne 2007 sous l’œil attentif du Gouvernement pour préparer les propositions d’actions nécessaires dans les champs que je viens d’évoquer, et qu’un comité interministériel d’aménagement du territoire dédié à l’Île-de-France se tienne fin 2008 pour adopter ce nouveau plan stratégique et le schéma directeur correspondant, ainsi que les textes législatifs et réglementaires nécessaires. C'est curieux de résonner en terme d'aménagement du territoire pour les autres régions que pour la première région de France où vivent presque 12 millions de personnes.

[...]